La salle des Beaux-Arts était comble. Le piano à double-queue trônait au milieu de l’orchestre. Elle arriva, salua le public, le chef d’orchestre et le premier violon. Le deuxième concerto de Prokofiev fit trembler les murs.
Elle salua à nouveau et se retira dans sa loge sous un tonnerre d’applaudissements.
Quand elle réapparut, vêtue d’un simple jeans et d’un tee-shirt blanc, elle distribua des dédicaces de son dernier album.
Sa mère fit brusquement irruption, la prit violemment par le bras :
– Mais, as-tu idée de te présenter sur scène en tailleur-pantalon ! On dirait un homme ! Pourquoi n’as-tu pas mis la longue robe décolletée que je t’ai offerte exprès pour ta tournée de concerts ? Et regarde-moi ça !…. En jeans et tee-shirt pour accueillir tes admirateurs. Une honte, je te dis !
Une vraie honte !!!
Garçon manqué, va !!!
Elle tourna les talons et s’en alla en claquant la porte de la loge.
Un silence gêné s’ensuivit .
L’artiste sourit à son entourage : « Ne vous en faites pas. Les robes de soirée sont très inconfortables pour pareille prestation. En plus, je suis très frileuse ; les décolletés dans le dos me gèlent les doigts. Quand à ma tenue très simple… je me sens plus proche de vous. Ma pauvre mère, elle doit être bien malheureuse pour réagir comme cela.
De toute façon, elle ne se représente pas le travail physique d’athlète que ça implique de jouer sur scène.
Il ne faut pas lui en vouloir. Elle m’a transmis le goût de la musique quand j’étais petite. C’est déjà beaucoup.
Et maintenant, partageons le verre de l’amitié ! »